Notre démarche éducative et expérientielle ADVP
Activation du Développement Vocationnel et Personnel
Entretien sur l'ADVP avec Catherine Caillet et Patrick Lecoursonnais, formateurs ADVP
Notre démarche éducative et expérientielle, l'ADVP
Par Marie-Claude Mouillet, co-fondatrice du PATIO Formation
L'ADVP et la démarche éducative expérientielle : un peu d'Histoire
L’ADVP (Activation du Développement Vocationnel et Personnel) est un modèle québécois d’intervention en éducation aux choix de carrière. Formalisé pour un public scolaire au début des années 70 par Denis Pelletier, Gérard Noiseux et Charles Bujold, il a été importé en France d’abord par l’association Trouver créer, via le programme d’éducation des choix de carrière (EDC) destiné aux élèves des collèges.
Dans les mêmes années, notre économie est confrontée à d’importantes vagues de licenciements. Du fait, entre autres, des progrès technologiques, des milliers de salariés perdent leur emploi et parfois leur métier.
L’idée « d’un emploi pour la vie » s’éteint. La question de l’orientation s’impose donc pour les adultes, sans qu’aucun organisme n’en ait jusque-là officiellement la charge.
Quelques années après sa création, l’ANPE, tout naturellement, se voit confier cette question de l’orientation. Entre autres experts et intervenants, Denis Pelletier, coconcepteur de l’ADVP, à l’époque professeur associé à la faculté des sciences de l’éducation de l’université Laval à Québec, est invité en France pour former un certain nombre de conseillers professionnels de l’ANPE (dont Marie-Claude Mouillet, co-fondatrice du Patio).
L’ADVP est rapidement utilisée car elle se distingue des méthodes existantes : au-delà d’une réponse ponctuelle, elle offre aux demandeurs d’emploi la possibilité de penser eux-mêmes leur avenir professionnel dans un monde économique traversé par de profondes mutations, dont l’on a du mal à anticiper les besoins.
Forts de ces apports, les conseillers de l’ANPE diversifient leurs pratiques et enrichissent les prestations d’orientation à destination des adultes. Avec la montée du chômage, ces prestations sont ensuite confiées à des prestataires extérieurs qui se forment pour les assurer.
Avec ces expériences et la publication des premiers ouvrages pratiques à destination des adultes (notamment L’orientation éducative des adultes de Sylvie Boursier en 1989, Chemin Faisant – ADVP fondements théoriques et exercices pratiques de Marie-Claude Mouillet et Claude Colin en 1997), la démarche éducative expérientielle fait tache d’huile.
Sur un plan théorique, les travaux de la psychodynamique du travail viennent éclairer la question du rapport au travail et étoffer les fondements théoriques de l’approche.
Elle s’adapte aux problématiques émergentes et à différents types de public et de prestations.
Chaque année, sur les fondements de la pédagogie expérientielle, de nouveaux outils sont créés et publiés, notamment aux Éditions Qui plus est (www.editionsquiplusest.com) avec Parlimage, Chemin Faisant 2 – ADVP Emploi et entreprise, Le Projet sans la plume, L’explorama, la collection des Guides Qui plus est, etc.
L’ADVP touche aujourd’hui un large public de professionnels qui travaillent dans des structures d’éducation et/ou d’insertion : conseillers, formateurs, enseignants, éducateurs, assistants sociaux, psychologues, coachs, encadrants techniques, etc.
Elle touche aussi les personnels des collectivités locales, des centres de bilan, des services RH ou formation d’entreprises de tous secteurs d’activités.
La démarche éducative expérientielle est préconisée dans de nombreux cahiers des charges.
Le rapport de la Cour des Comptes du 20 janvier 2016 préconise de s’inspirer de l’ADVP et du cahier des charges du Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) pour l’insertion des jeunes.
Le cahier des charges du CEP recommande d’éviter les méthodes prescriptives et de favoriser l’autonomie, suggérant par la même l’utilisation de ce type de démarche éducative expérientielle.
L'ADVP : une méthode ?
Nous entendons souvent dire « L’ADVP, c’est une méthode », « c’est quatre phases », comme si l’on ne retenait de l’ADVP que le processus de résolution de problèmes, présenté comme une sorte d’entonnoir en quatre étapes :
Explorer (découvrir), Cristalliser (comprendre), Spécifier (hiérarchiser, choisir), Réaliser (agir).
Ceci est en partie juste. Cependant, si l’on en reste là, on passe à côté de l’essentiel : tout ce qui fait le sens et les finalités de l’approche, à savoir les postulats qui la sous-tendent, la pédagogie expérientielle fondée sur les principes de développement, la philosophie de l’existence, la pensée humaniste, les travaux de la psychodynamique du travail, la réflexion sur la posture et les attitudes du professionnel.
Certes, les quatre étapes proposées par l’ADVP sont des repères importants dans la démarche ; elles permettent au professionnel de structurer son accompagnement.
Rappelons qu’avant d’être des étapes facilitant la résolution d’un problème, elles sont aussi des tâches récurrentes à chaque moment du processus.
Elles activent ou réactivent des types de pensée, mobilisent et développent des compétences à faire des choix.
Au-delà de la méthode, de ses étapes, des tâches et des compétences qu’elle mobilise, l’ADVP s’inscrit dans une démarche éducative qui accorde une place capitale à l’expérience et à la pédagogie expérientielle.
Elle se réfère aux travaux de Piaget, Wallon, Vygotski et à la philosophie de l’existence, pour qui l’individu se construit par l’action, en relation avec son environnement.
Elle postule que l’individu est capable de s’autodéterminer et de trouver lui-même, pour lui-même, en lui-même, les réponses à ses questions, pour peu qu’il soit accompagné dans cette réflexion.
Elle situe le travail non pas seulement comme un moyen de gagner sa vie, mais comme un moyen de se produire soi-même, comme un prolongement de son identité et comme une source de développement identitaire.
Démentons cette idée reçue selon laquelle l’ADVP serait « comportementaliste ».
À aucun moment, avec cette démarche, il ne s’agit de dicter le « bon comportement » ou de répondre à des normes.
Pour s’inscrire dans une démarche éducative, il importe de croire que le développement est possible, que l’intelligence se construit, que la pensée est productive, transformatrice, mobile, créative.
Au-delà de l’acquisition de compétences à faire des choix, l’ADVP utilise cet espace qu’est la réflexion sur le projet pour activer la construction de soi, développer sa personnalité et son rapport au monde.
L’action et l’expérience facilitent les apprentissages. Une connaissance significative – c’est-à-dire qui diversifie et enrichit les façons de penser – résulte davantage d’une expérience personnelle que de conseils extérieurs.
La pédagogie expérientielle propose un engagement personnel : la personne s’implique, prend des initiatives, se découvre.
En faisant les choses, elle comprend, donne du sens et l’intègre. Cela génère des changements dans ses attitudes et sa personnalité.
L’ADVP : une démarche développementale exigeante sur un plan pédagogique
L’art d’introduire une dimension expérientielle dans tout accompagnement ne relève pas de l’improvisation.
Ne confondons pas pédagogie expérientielle et pédagogie occupationnelle.
Le professionnel se doit de respecter trois principes de base essentiels :
- Faire vivre des expériences,
- Aider à traiter et donner un sens à ces expériences,
- Faciliter l’intégration de ce sens.
Le développement vise à permettre au sujet d’être profondément qui il est.
L’expérience proposée doit présenter un intérêt ou une signification pour l’individu.
Une relation de confiance et de transparence avec l’accompagnateur facilite cette dynamique.
Être centré sur la personne exige du professionnel qu’il adapte, à tout moment, les mises en situation qu’il propose.
Cela suppose écoute, réactivité, précision, empathie et respect (cf. La relation d’aide selon Carl Rogers).
C’est dans le respect de ces fondamentaux qu’ont été construits les parcours de certification du PATIO Formation.
L’ADVP ne s’enseigne pas : c’est un processus à vivre.
A qui s'adresse l'ADVP ?
L’ADVP est tout public.
Quel que soit le parcours ou le niveau, toute personne peut bénéficier d’une démarche éducative expérientielle.
C’est au professionnel d’adapter les activités utilisées.
L’éventail des outils est aujourd’hui suffisamment large pour affirmer que l’ADVP n’est pas réservée à un public particulier.
Chaque personne est considérée comme un être singulier, capable d’identifier ses difficultés et d’assumer ses décisions.
Faut-il être psychologue pour utiliser l’ADVP ? Les querelles d’experts traversent ce courant de l’orientation. Qui peut faire quoi, avec quel diplôme, quelle formation ? Hormis les outils publiés, la démarche éducative expérientielle et l’ADVP n’appartiennent à personne. Point n’est besoin d’un « label » pour l’utiliser. Il revient au professionnel et à ses employeurs de juger s’il en est capable.
La démarche éducative demande avant tout estime de soi, confiance en soi par rapport à l’expérience de l’autre, confiance dans les capacités de l’autre à trouver lui-même ses propres réponses et à se développer. Être en sécurité avec soi-même, croire en ses propres expériences, se respecter dans ce qu’on veut être et faire en tant que professionnel, avoir la foi dans la démarche choisie, être expert pour soi comme on est en droit de l’attendre des personnes accompagnées. Par ailleurs, le conseiller sera d’autant plus disponible à l’autre qu’il sera rassuré sur le plan de ses connaissances et de sa pratique, non pas sur les métiers et le marché du travail, mais davantage sur le plan de la relation humaine. Car, quand l’on pratique une pédagogie active, expérientielle, nous sommes bien dans le champ des sciences humaines, du développement de la personne, de la psychologie, des compétences relationnelles. Mais pas pour autant dans celui de la thérapie ! Même si la dimension psychique intervient dans la construction d’un projet professionnel, elle ne fait pas l’objet d’un travail en soi.
Tout ceci suppose que l’accompagnateur, qu’il soit ou non psychologue, ait réfléchi à son positionnement en tant que sujet, mais aussi en tant qu’accompagnateur, en tant que salarié, et en tant que citoyen face à la demande sociale. Et ce n’est pas la lecture d’un ouvrage aussi pertinent soit-il, ni une formation à un « outil » qui peut le lui apporter, mais davantage une vigilance constante, des échanges et analyses de pratiques, une expérimentation pour soi, des remises en question, une supervision. En ce sens suivre des modules de formation qui s’inscrivent eux-mêmes dans la même démarche, comme c’est le cas au PATIO Formation, est précieux. La formation offre un espace sécurisant qui permet d’expérimenter, de se remettre en question, d’échanger avec des pairs et d’élargir le champ des réponses possibles.
Pour un développement de l'ADVP et de la démarche éducative expérientielle
« L’ADVP, c’est magique ». Cette remarque est souvent faite par des praticiens convaincus. Effectivement, quand tous les ingrédients cités ci-dessus sont présents, le modèle fonctionne, apportant alors beaucoup de plaisir et de satisfaction tant aux professionnels qu’aux personnes accompagnées. Mais pour autant, ce n’est pas magique, c’est tout simplement »pro ».
Accompagner une personne est en effet, en soi, un acte professionnel complexe. L’intervenant apprend à vivre avec le sentiment que des aspects lui échappent, que d’autres aspects, inconnus jusque-là peuvent surgir. La complexité des univers personnels et professionnels, leur mutation et leur imprévisibilité renforcent l’idée selon laquelle il faut aider les individus à ne plus penser leur choix professionnel comme ponctuel, unique, définitif. Ainsi, comme le propose l’ADVP, si le projet, l’intention que chacun a pour sa propre personne est sous-tendu par une réflexion, par une mise à plat des aspirations, des valeurs, des centres d’intérêt, par le repérage de points d’ancrage, de stabilité, la personne sera davantage en position d’ouverture sur les événements, et non pas dans un « entonnoir ». Si, en outre, elle a appris à lire son environnement, à l’analyser, à échanger, si elle a développé estime de soi et pouvoir personnel, elle sera moins surprise, moins fragile aux ruptures, aux changements qui ne manqueront pas de se produire. Cela lui permettra de tirer le maximum de chaque rencontre, de repérer ce qui peut la satisfaire, de voir les opportunités et de décider rapidement.
Alors quand tout bouge autour de soi, quand tout est susceptible de changer, de se transformer, quand on ne maîtrise que très peu de paramètres, ne vaut-il pas mieux un processus dans lequel action et réflexion sont intimement mêlées, qui laisse la place aux événements inattendus et aux opportunités, plutôt que des réponses, aussi pertinentes soient-elles, soigneusement mises au point par des experts en la matière, pour un environnement qui serait connu avec précision et imaginé comme immuable ?
L’orientation et l’insertion ne sont pas non plus une série d’actions à enchaîner dans un ordre délibéré, une route à suivre. Il nous semble plus prudent et plus efficace de permettre à la personne de tracer son chemin, pas à pas, chemin faisant. Le travail sur le projet est un ajustement en continu, basé aussi bien sur les affects et l’intuition que sur le raisonnement. Seule une démarche éducative expérientielle, telle que l’ADVP, peut faciliter cela.
C’est pourquoi l’ADVP, dans toutes ses dimensions, est plus que jamais d’actualité, d’autant plus que le combat pour le respect de l’individu, de sa liberté de choisir, de s’engager, de parler en son nom, de s’autodéterminer, de gérer son devenir risque fort de nous mobiliser encore des siècles durant …
Bibliographie
1 – Jean Piaget (1896-1980), psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie avec ce qu’il a appelé l’épistémologie génétique.
2- Henri Wallon (1879-1962), philosophe, psychologue, neuropsychiatre français, a organisé ses observations en présentant le développement de la personnalité de l’enfant comme une succession de stades, et articulé au cœur d’un modèle dialectique des notions telles que l’émotion, les attitudes et les liens à l’autre.
3 – Lev Vygotski (1896-1934), psychologue russe découvert hors de l’URSS dans les années 1960, a introduit la notion du développement intellectuel de l’enfant comme une fonction des groupes humains plutôt que comme un processus individuel et élabora une théorie historico-culturelle du psychisme.
4- Carl Rogers (1902-1987), psychologue américain dont l’approche centrée sur la personne (ACP) a mis l’accent sur la qualité de la relation entre le thérapeute et le patient (écoute empathique, congruence, considération positive inconditionnelle).